Team:SupBiotech-Paris/Biologie Synthetique

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Ethique

La compétition internationale iGEM regroupant chaque année de plus en plus d’équipes (110 équipes pour la session 2009) additionnée à 18 programmes européens, 70 entreprises, 10000 laboratoires dans le monde ont tous comme objectif commun : la construction des systèmes vivants, suivant le principe d’assemblage des modules fonctionnels.


L’émergence et le développement rapide de cette discipline nécessite la réflexion, afin de mettre en place un système de règlementation prêt dans les 5 à 10 ans pour des pratiques sûres.
Ainsi à l’occasion du concours iGEM, nous avons réalisé ce débat afin de réfléchir aux enjeux éthiques liés à la biologie synthétique.

Au programme de ce débat

Au programme de ce débat :

  1. Introduction à la biologie synthétique, François Le Fèvre
  2. Introduction au projet Double vectorisation system (DVS) développé par l’équipe
  3. Table ronde animée par Thierry Magnin, et l’équipe Sup’Biotech Paris:
    • Biologie synthétique/Projet DVS - Formulation des risques et bénéfices : quels sont les risques, peut on les contourner, quels sont les effets sur l’homme, l’animal et l’environnement, les avantages de cette discipline, ou s'arrête la science et ou commence la création? Les craintes des populations...
    • Réglementation, Accès et droit : à quel point le savoir doit-il être protégé, mettre en avant le concept de "non brevetabilité" ainsi que des réglementations...


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VIDEOS

Synthèse des réflexions

« L’éthique c’est le mouvement même de la Liberté qui cherche une vie bonne, dans la sollicitude envers autrui est dans un juste usage des institutions sociales » ; citation de Paul Ricoeur philosophe du 20e siècle. En d’autres termes, l’éthique représente la branche de la philosophie regroupant les valeurs morales qui définissent la façon dont nous devons nous comporter.

Appliquée à la biologie synthétique, l’éthique indique le chemin qu'il faut suivre pour permettre le développement de cette discipline en évitant ses dérives. En effet, bien qu’elle laisse rêver à de grandes perspectives telles que des sources propres d’énergie, des thérapies accessibles à tous ou des méthodes de remédiation biologique, manipuler le vivant soulève régulièrement un certain nombre de questions d’ordre éthique. François Le Fèvre évoque « c’est la première fois que l’homme est confronté à la possibilité de créer de nouvelles formes de vie ».

Il nous a paru important de nous intéresser à ces points, en plus de l’aspect technique de l’ingénierie biologique. Dans cette optique, nous avons organisé un débat éthique reposant sur le thème de la biologie synthétique, auquel différentes personnalités expertes dans le domaine ont été convié. Lors de ce débat, différentes problématiques ont été soulevé. Comme l’a souligné Thierry Magnin, certaines d’entre elles sont d’ordre métaphysique, et concernent notamment ce que « cela nous donne comme représentation du vivant, de la vie » ; d’autres concernent directement les applications et leurs aspects techniques qui pourraient nous pousser à les limiter. A l’occasion de ce débat, nous avons présenté notre projet à nos invités afin d’en faire ressortir les questions éthiques.
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Problématiques métaphysiques

Finalités de la biologie synthétique

Il convient tout d’abord de s’intéresser aux finalités de cette science. Que cherche-t-on à faire ? Cherchons-nous à atteindre un état de perfection ? Lorsque l’on travaille à l’amélioration d’un organisme vivant, outre les difficultés techniques, il faut se demander si ce que l’on fait est souhaitable. Hormis les dérives égocentriques que l’on peut aisément imaginer, on pourrait chercher à corriger nos faiblesses, nos handicaps, nos maladies. Dorothée Benoit Browaeys met en avant que le contexte peut changer une « tare » en atout : « il y a des maladies qui vous confèrent aussi certains avantages. Donc pour reprendre ce titre du livre d’Alain Gras sur la fragilité de la puissance, on pourrait parler de puissance de la fragilité ».

Cependant, les avantages potentiels semblent parfois négligeables par rapport au handicap : c’est par exemple le cas lorsque l’on est affecté par le VIH. Et la maladie qu’il engendre ne sera pas contrôlée, d’après Willy Rozenbaum, « si on n’utilise pas la biologie synthétique ». Plus généralement, ce dernier n’imagine pas « comment on pourrait s’en passer si on veut aller vers une amélioration de la condition humaine ». Le mythe de la perfection ne semble pas l’inquiéter, puisqu’il affirme que nous sommes encore très vulnérables et loin d’être parfaits.
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Modification de la représentation du vivant

Chercher à synthétiser et à modifier fondamentalement des organismes pousse à s’interroger sur la définition même du vivant. Craig Venter affirme qu’ « on passe de la capacité de lire notre code génétique à la capacité de l’écrire ». Mais comprendre et générer les mécanismes de la vie peut la démystifier ; et le fait de créer des machines vivantes, dans un but précis, risque de nous donner une vision déterministe du vivant. Thierry Magnin s’interroge « dans un contexte où la vie s’assemble avec des briques, qu’est-ce qui, fait vraiment la différence entre la machine végétale, la machine animale et la machine humaine ? ». On peut après tout envisager que la différence entre les trois ne vient que des interactions entre les « briques » qui les composent. « Comment puis-je reconnaître une certaine dignité du Vivant si tout est fabriqué par blocs » ?

La biologie synthétique peut révéler un aspect ludique, et cet aspect pourrait altérer le respect que l’on porte aux êtres vivants : pour citer une nouvelle fois Thierry Magnin, « ce avec quoi j’ai l’habitude de jouer, j’ai souvent un peu de mal à le respecter ». On peut créer des « pièces » d’êtres vivants en-dehors de leur contexte, les stocker, les reproduire, les transmettre, les assembler. Si l’on crée des systèmes biologiques comme l’on assemble des legos, ne risque-t-on pas de considérer tous les êtres vivants, dont les humains, comme de simples assemblages de ces pièces ? Et dans ce cas, le respect que l’on considère leur devoir pourrait en être altéré. Certes, on peut considérer que nos créations ne sont que des engins biologiques, des machines synthétiques bien distinctes des formes de vie « naturelles ».

Mais où se situe la limite entre celles-ci et la vie artificielle? La façon dont l’une et l’autre ont été créées change-t-elle leurs natures ? Il faut cependant nuancer l’impact que la synthèse biologique pourrait avoir sur la façon avec laquelle on considère la vie : comme l’a rappelé François Le Fèvre, lorsque « l’on a synthétisé l’urée, première molécule organique synthétique, il y avait tout un débat pour savoir si on avait créé de la vie ou pas »; et, comme l’a souligné Lluis Mir, on aurait pu se poser les mêmes questions aux débuts de la chimie. Deux cents ans plus tard, cela peut faire sourire.
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Problématiques liées aux applications

Contrôle de l’évolution des produits de la biologie synthétique

La biologie synthétique mène à la création d’êtres vivants qui n’auraient sans doute pas existé sans intervention humaine et ne sont pas le fruit d’une évolution naturelle. Sera-t-on capable de les contrôler ? On ne maîtrise pas les mécanismes de stockage de l’information dans le monde vivant, et on est encore loin d’être capables de prévoir comment se comportera un ensemble à partir des ses éléments séparés. On crée des parties, mais saura-t-ton prévoir les propriétés émergeant de leur assemblage ? De plus les organismes synthétiques, puisqu’ils sont vivants, évoluent ; sera-t-on, a demandé Thierry Magnin, « en mesure de maîtriser la propagation de ces engins animés que l’on construit  ?» Du fait de leur capacité à évoluer, ne risquent-ils pas d’échapper à notre contrôle ? Willy Rozenbaum a fait remarquer que la pression responsable de l’évolution existera même pour les organismes qui ne lui sont pas dus a cette pression; et que « c’est le plus performant et le moins nocif qui va finalement sortir de cela ; parce que cette pression-là va rester ».
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Dérives bioterroristes

La perte de contrôle de systèmes vivants crées synthétiquement pourrait être intentionnelle. La biologie synthétique et la diffusion des connaissances qu’elle apporte met à disposition d’un large public des génomes, notamment des pathogènes pouvant être modifié à un coût relativement bas. Dans le cas de notre projet DVS, quelques changements pourraient transformer notre vecteur en arme biologique comme l’a mentionné François le Fèvre: « on peut imaginer qu’au lieu de cibler un cancer, on cible des neurones pour envoyer des drogues qui permettent d’affaiblir la personne ». Dès 2003, un rapport de la CIA a évoqué les risques liés au développement des sciences du vivant et la difficulté de limiter le développement du bioterrorisme. Faut-il limiter l’accès aux données sous peine de ralentir la progression des connaissances en biologie synthétique ?

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Rapport bénéfices/risques

Pour évaluer les risques et les bénéfices d’une science, il faut se demander à quoi elle est destinée, et si les risques sont pris par les bénéficiaires. Dans le cas de la biologie synthétique, les risques sont pris par la Société dans son ensemble ; il doit en être de même pour les bénéfices. Les intérêts financiers d’une communauté restreinte ne doit pas nuire à la majorité. Actuellement la biologie synthétique est gérée par la communauté scientifique ; mais certaines applications, pour peu qu’elles puissent permettre de générer des revenus importants, risqueraient d’être développées malgré les nuisances qu’elles causeraient. Il faut donc, comme l’a dit Lluis Mir, « que cela reste la vision des scientifiques et de la société, et pas des marchés ». Il est également important que les chercheurs impliqués gardent leur esprit critique et continuent à communiquer les avancées de leurs connaissances même s’ils travaillent dans un contexte industriel ou commercial.

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Propriété intellectuelle

Réfléchir à propos de la propriété intellectuelle de notre projet. Nous voulions en effet que notre traitement puisse être accessible et au plus bas prix. Dans cette optique, nous nous sommes interrogé sur la mise en open source ou en breveter au moins une partie ? La première option permettrait à n’importe quel société de le développer et de l’améliorer, mais une entreprise privée pourrait alors en breveter une version plus aboutie et imposer les prix qui lui profitent le plus. Par ailleurs, Willy Rosenbaum nous a confirmé que le développement clinique serait alors très difficile à financer : « si vous arrivez à convaincre un industriel de passer au préclinique, il faudra déjà avoir protégé votre modèle puisque sinon, vous ne trouverez pas d’industriel qui fera le développement ». Ce dernier point serait moins problématique avec la seconde option puisque les fonds générés par un brevet aideraient à convaincre des industriels ; mais l’accès aux données serait alors bien plus limité. Haut de page

Problématiques liées au projet DVS

L’un des objectifs de cette rencontre était de débattre sur certains points relatifs à notre projet DVS. Les points généraux ont été évoqués précédemment, puisqu’ils s’appliquent à la biologie synthétique dans son ensemble. Plus précisément, nous nous sommes interrogés par rapport aux risques sous-jacents à l’introduction d’agents potentiellement pathogène dans l’organisme.

Intéressons-nous tout d’abord à l’importance de ce risque. Mycobacterium avium est parfois responsable de graves infections chez l’homme. Mais, comme l’a rappelé Willy Rosenbaum, « c’est une bactérie très ubiquitaire, on la trouve dans l’eau du robinet ; on est presque tous contaminés » ; or cette contamination n’a que très rarement d’effets conséquents. Les cas reportés concernent des patients au système immunitaire très affaibli, par le VIH par exemple. Nous avons par ailleurs prévu d’analyser les effets de l’infection sur des phénotypes tumoraux. Quoi qu’il en soit, Willy Rosenbaum estime que « tout ça n’est pas très embêtant ». Outre les nombreux tests et modélisations qui seront menés avant l’utilisation de notre traitement, cette affirmation est justifiée par le fait que les bactéries sont lysées lorsqu’elles libèrent le phage ; elles ne persistent donc pas dans l’organisme.
François Le Fèvre s’est légitimement interrogé quant au risque que le phage n’infecte d’autres bactéries déjà présentes dans l’organisme. Nous lui avons donc expliqué que notre vecteur cellulaire n’encapsidait que le plasmide d’intérêt, et non son génome. S’il infectait une bactérie résidente (ce qui peut être empêché par la modification des protéines d’internalisation), celle-ci ne recevrait que le plasmide d’intérêt enveloppé de protéines. Le phage serait donc incapable de s’y multiplier.On pourrait également s’inquiéter des dérives au niveau de l’intégration du transgène, comme les risques de recombinaison homologue ou d’intégration hasardeuse. Lluis Mir a appuyé notre idée à ce sujet, qui est que le problème est limité par le fait que l’hôte et le phage n’appartiennent pas au même monde : « il n’y a pas d’intégration possible. Plus les séquences bactériennes qui vont interférer avec tous les processus de méthylation et déméthylation, qui font que cet élément génétique transposé sera moins stable. C’est un peu l’intérêt d’être à la croisée entre l’eucaryote et le procaryote ».

Par ailleurs, Willy Rozenbaum a rappelé que « sur ce type de sujet, c’est très bien balisé aujourd’hui en termes de sécurité » : le produit ne serait évidemment pas mis sur le marché avant d’avoir subi de nombreux tests visant à vérifier son innocuité. Des organisations comme l’Afssaps, les modélisations les essais cliniques////Si on considère que le risque est non-négligeable, il faut se demander s’il vaut la peine d’être pris en compte. Thierry Magnin a donné une traduction du principe de responsabilité formulé par Hans Jonas : « ayant essayé d’estimer les risques, je vais essayer de travailler au maximum sur le risque le plus grave ». La maladie à laquelle on s’attaque le justifie-t-elle ? D’après Bernard Baertschi, « le cancer est une maladie extrêmement grave, pour laquelle on accepte de prendre des risques déjà maintenant ». Et François Le Fèvre a reconnu en souriant : « de toute façon, si j’ai le cancer du poumon, je pense que je prendrais votre médicament… ». Pour conclure ce paragraphe, citons une nouvelle fois Bernard Baertschi : «  on peut prendre un risque si la personne donne son consentement et s’il y a un bénéfice attendu ».

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Conclusion

La biologie synthétique peut donc devenir un outil très puissant si elle reste maîtrisée. Les risques existent, certes ; mais certaines causes pour lesquelles elle est un atout justifient qu’on les prenne. C’est sans doute à la communauté scientifique de faire accepter cette idée par la communauté, en transmettant ses connaissances. Certains problèmes, différentes pathologies par exemple, ne semblent par ailleurs pouvoir être résolues que par son biais. Mais les intérêts recherchés doivent être ceux de la Société entière, et non de groupes particuliers. Il serait peut-être bénéfique qu’une règlementation soit rapidement mise en place afin d’éviter les dérives, sans pour autant limiter le développement de cette science si prometteuse ?


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